LA DANSEUSE HINDOUE
De ton pays d'épices, de désordre et de misère, tu ordonnes le temps. Tes jambes et
tes bras articulant l'espace tu es précise jusqu'au bout des doigts.
Longue plainte du cithare, ponctuée de tabla, tu dessines de ton corps la mélodie. Les
flammes de ton sari drapent tes gestes, tes bracelets d'argent cliquètent et tu te
figes... La longue natte courant sur ton dos se vertébralise : le temps s'arrête. Mais la
mélopée te reprend, elle s'envole, te suspend à nouveau dans l'espace, pour mieux te
rendre ta liberté. Voilà que tu fais l'amour à la musique, tes épaules frissonnent, la
pierre qui orne ton nombril se fait œil, spirale de la pensée où il est question de sexe
et de maternité. L'idée parcourt tes hanches, tu te fais houle, la musique se transforme
en océan et tu cours ainsi de vagues en acmés.
Le bindi rouge, qui orne ton front, nous fascine un instant, mais fine accoucheuse de
l'âme, du bout de tes doigts cambrés, tu nous réentraînes dans ta danse.
Accroupis à même le sol, des enfants en haillons te dévorent des yeux.
La misère rassemble ses guenilles, jette son baluchon sur l'épaule...
et s'en va.
Michel ASTEGIANO