de choses et d'autres sur le chemin des mots

St Michel

St Michel

Je suis l’archange St Michel qui trône tout en haut de l’éponyme mont. Des siècles passés où l’on m’a trop adoré, de la tête aux pieds je suis entièrement métallisé, ça en jette   vous verriez, au moindre rayon de soleil sur mon toit, je chatoie  en merveille.

Sous mes cuirassés je ne vous révèlerai pas ce qui s’y cache, vous en auriez les yeux hagards, mais pour vous aider à imaginer, juste une piste je vais vous donner,  prenant la forme d’une question habilement à vous posée.

A votre avis, alors  que chaque nuit je  fais l’amour aux étoiles, de quoi est faite la voie lactée ? Si vous trouvez, vous pourrez vous en sortir avec 2 pater et trois ave (mais récités avec application puis, bénédiction, absolution, félicitation et etc.) d’avoir eu l’esprit suffisamment mal tourné. 

La plupart du temps je domine ainsi  une fourmilière d’agités touristes ainsi que quelques abbés égarés : ça papote et  ça jacasse en toutes les langues et tous  les sabirs, on en dirait une tour de Babeleoued et  aussi ça cambre la nuque pour mieux me voir et moi je me marre, car pour des selfies   avec moi : c’est du sublimement râpé.

Mais trêve de rodomontade mon histoire à vous narrée est loin d’être finie...

J’ai des intimités à vous raconter, c’est du rare entre jour et nuit  où cela fricote un peu entre eux, en  muraille de Jérusalem, nuit qui se lève, soleil qui se couche bref, une heure un peu louche.

Sur le mont enfin le désordre des choses a  cessé,  plus que quelques rieuses mouettes et des râleurs goélands : le premier qui vient me conchier  je le pourfends sans état d’âme de mon épée, histoire de ne pas me laisser emmerder !

Encore convient-il pour éclairer votre lanterne que je vous précise qu’outre l’heure, il y a aussi en conjonction de coordination une plutôt basse marée.

Ainsi donc certains soirs désespérément trop rares un vrai miracle se produit. Venant des prés salés  perchée sur un immense cheval   noir, blanche une jeune fille arrive en tenue de lady Godiva. Elle et sa monture ne faisant plus qu’un. Passant précautionneusement du talus aux étendues de sable marbrées de résiduelles flaques, elle lance ensuite au galop son fabuleux animal. C’est comme si elle voulait rattraper cette évasion des flots vers un lointain horizon, magnificence de cette crinière, de ces cheveux s’ébouriffant en même temps et de ces gerbes d’étincelles liquides que font jaillir les sabots  frappant les  attardés flots.

Qu’une seule et unique fois elle y est arrivée.

Alors elle s’est glissée  dans l’eau glacée contre le flanc de sa monture, reliée à elle juste par un bras la tenant  encore que par l’encolure. C’était beau et très  émouvant, ce bras sur ces  animales épaules, c’était comme deux amants se tenant pour marcher mais qui là nageaient.

Mais toutes les autres fois, où elle n’y  arrive pas, leur retour se fait à pas très lents, elle ne tient même plus les rennes, et  s’abandonne contre le cou du cheval lui aussi harassé, suint sueur et sel d’eux se mélangeant. De l’avoir de mes yeux vus je puis jurer que là en plus elle pleure et moi alors je me déteste de la paralysie de mes ailes tant j’ai envie de m’envoler vers elle pour tenter de la consoler.