de choses et d'autres sur le chemin des mots

PLUS FORT QUE TOI

PLUS FORT QUE TOI

 

Pourtant tu te l’étais dit : si ça parle de ça : tu... te... la... boites.

Tu te l’es répété cent fois, mille fois, dans toutes les déclinaisons possibles :

Silence radio.

Tu fais le sphinx, motus et bouche cousue, tu fermes ta gueule, que nibe, nada, niet, pas l’ombre d’un mot, pas même un soupir. Tu te carpérises, t’avales ta langue, tu prends l’air intéressé mais t’écoutes pas, tu n’entends pas. Tu te prends le cerveau, tu le laves, et tu te le mets sous le bras.

Tu utilises toutes tes dents et tu te mords la langue.

Tu adoptes l’air conditionné en te disant qu’on te parle en serbo-croate, en wolof, en hindi, en manchou. Tu en perds ton latin. Tu fais le sourd profond, congénital, inopérable, inappareillable.

A toi tout seul, t’es les trois singes, celui qui ne voit pas, n’entend pas et ne parle pas.

T’es en Inde : un sâdhu. Tes cheveux mesurent un mètre cinquante de long et comme tapas, t’as fait vœu de silence.

T’es l’enfant sauvage, tu as été élevé par des loups, et c’est pas du Kipling, tout juste si t’arrives à faire des cris de bête.

On t’a trouvé du coté du Péloponnèse, t’es qu’un buste, tu es, tu restes et tu resteras de marbre.

T’es sur mars, ils sont verts avec des yeux jaunes, ils ont des tentacules et des antennes, t’es pas de leur monde, t’as aucun moyen de communiquer, même par gestes : lors de l’atterrissage, tu t’es pété les deux bras.

T’as eu un AVC, t’as des tuyaux partout, t’es plus qu’un légume, tu ne peux même plus cligner deux fois des paupières pour dire non.

T’es sous l’arc de Triomphe, en décomposition totale, t’es dans ta tombe : le soldat inconnu c’est toi.

Tu te sphinctérises, tu fermes toutes les écoutilles, tu relèves le pont-levis, tu t’appliques à faire le mort.

Tu te transformes en huitre, en pétoncle, le monde du silence c’est toi... t’es dans l’abyssale... même la lumière n’arrive pas jusqu’à toi.

Tu te l’étais dit, cent fois, mille fois, mais sombre idiot, t’as pas pu t’empêcher : pourquoi t’as dit ça !!!

 

 

Michel ASTEGIANO