Amour courtois
Tout de suite et d’emblée vous me plûtes
Je pris donc aussitôt mon style haut
Pour vous dire que penser à vous me tarabuste
Je vous envoyais de ce fait des petits mots
Je pris donc le passé parfois compliqué
Plus propice à distiller l’emphase
Que vous sûtes dés lors m’inspirer
Pour vous transfuser mes phrases
A l’instant bienheureux où vous entrâtes
Immédiatement enamouré je perçus
Monter en moi des soifs de vampire Carpates
Et ma vacuité s’envola lorsque vous parûtes
Permettez que je vous remerciâtes
De m’avoir sorti du routinier quotidien
Qui me poursuivait du travail aux pénates
Vous m’offrîtes ainsi un été indien
Je m’attelais donc à l’immense tâche
Délicieuse et ardue de vous séduire
Opiniâtre vous poursuivant sans relâche
N’ayant comme limite que de vous nuire
Vous daignâtes accorder à ma modeste prose
Quelques complaisants et délicieux crédits
Alors que je craignais et j’en aurais été fort marri
Que vous m’envoyâtes sur les épineuses roses
Vous fûtes au diapason de mes espérances
Mon verbe peu à peu en fut enhardi
Frôlant ainsi la délicieuse indécence
Et vous rougîtes à lire certains de mes écrits
Je fis tout pour susciter en vous l’attente
Attisant mon émoi pour qu’il fut vôtre
Car n’a jamais rien celui qui ne tente
Espérant vous rendre aveugle aux autres
Telle une épeire éperdue tissant sa toile
Tantôt vous couvrant tantôt vous dénudant
De mes mots je hissais haut les voiles
Pour vous conduire de l’Orient au Couchant
Vous me vîtes parfois cosaque du Don
D’autres fois gueux complaisamment soumis
A vos supposés langoureux et radieux désirs
Transformant en délices cet Armageddon
Je lançais alors à l’assaut de vos murailles
Des marées hautes et équinoxiales de mots
Confiant à chaque phrase le délicat travail
De faire plier vers moi la courbe de votre dos
Imaginâtes-vous seulement ces béances
Qui jour après jour en moi se creusèrent là
Pour répondre à ces impératives urgences
Que votre douce bienveillance alimenta
Vous fûtes mon chemin de Compostelle
Me transformant en solitaire pèlerin
Habité du désir absolu et éternel
De me recueillir sur la courbe de vos reins
Vous devîntes mon tendon d’Achille
Et je fus aise de me sentir fragile
De ce si susceptible côté-là
Car baiser votre cheville m’aurait rendu béat
Au sein de mon affamée poitrine
Naissaient pour les vôtres des vénérations
Je m’imaginais chevalier teuton
Succombant à leur grâce mescaline
Reprenant mes anciens vaisseaux conquistadors
A la découverte de votre nouveau monde
Je fuyais les lagunes et les eaux troubles des ports
Et affrontais du doute les vagues immondes
En rêve je vous couchais sur des méridiennes
Posées en d’autres et mystérieux continents
Désirant et croyant que vous fûtes mienne
Et que nous soyons éternellement amants
J’ai convoqué mille fois mes mots les plus ardents
Déployant comme un paon mes plus beaux arguments
M’attelant à oublier mes terribles effrois
De l’inconcevable d’un monde qui serait sans Toi
Et voila qu’à tant vous fréquenter en pensées
J’utilise l’alibi de la rime pour vous dire Toi
N’y voyez qu’audace et nulle culpabilité
Car cette ode au passé n’est qu’un présent émoi