de choses et d'autres sur le chemin des mots

Au bout du fil

Noire bakélite lors d’une vie hésitante et toute petite : téléphone encore à  serpentin fil.

Solitude des plus rudes   dans un temps de moi  où j’étais  haut comme trois pommes, et qui ne pouvais  pas, qui ne savais pas, comment il allait les digérer ces  tout ça : La gamelle, quelques vêtements, un toit,  cela ne suffit pas, on a hélas d’autres besoins.

 

Noire bakélite  à la chromée manette, besoin de parler, alors on tchouke en audacieux le métallique et chromé du bidule.

Ça décroche et ça vire à nos yeux  au miraculeux, un allo féminin en bingo. Cela donne un air de rivage  à son enfantin naufrage. On ne sait pas trop quoi répondre, on en a bien  trop à dire de tous ces pas assez, alors on dit aussi : allo ? Histoire de se jeter...  à l’eau.

Un : que veux-tu petit ? Perla à mon oreille, j’étais  tombé sur une standardiste fortiche et aussi un peu cartomancienne. On se dit que répondre qu’on m’aime, cela serait tout de même trop déconner, enfin à cet âge là on ne se dit pas ça comme cela, mais on sait que cela va provoquer du gênant, du pas trop comme il faut, alors   on tente un timide : parler ?,...

 Ça on sait faire, mais le nœud du problème c’est que chez soi, il n’y a personne pour écouter.

Parler.....

La voix filaire se radoucit encore plus,  en défibrillation maternelle, c’en est une qui est, ou qui prochainement sera un jour maman. Tous les deux on ne trouve  alors  vraiment plus rien à dire, mais elle m’offre beaucoup de son précieux  temps.  Avec les bidules de nos jours on s’en serait entendu respirer de chaque côté du combiné.

De toute ma vie, je n’ai jamais entendu une voix aussi douce que la sienne lorsqu’elle m’a dit : je vais devoir raccrocher petit.  

Telephone